Le rapport entre Lesbos et lesbienne ?

Il y a-t-il vraiment un rapport entre lîle grecque de Lesbos et le mot « lesbienne » ? Le mot «lesbienne» a été introduit pour la première fois dans le dictionnaire au 20e siècle.

Le français, comme beaucoup d’autres langues, emprunte beaucoup de mots provenant du grec ancien. Un mot particulièrement intéressant est « lesbienne », aujourd’hui utilisé pour décrire une femme attirée par d’autres femmes, mais la racine du mot est-elle liée à l’île grecque de Lesbos ? La réponse est liée à la réputation d’une poétesse lyrique grecque célèbre nommée Sappho. Elle serait née au 6e siècle avant J.C. à Eressos (de 1600 habitants aujourd’hui) sur l’île grecque qui s’appelle Lesbos. Cette poétesse de l’antiquité grecque est unique et réputée pour ses formidables poèmes faisant l’éloge de l’amour et le désir pour d’autres femmes. Un seul poème est arrivé jusqu’à nous dans son intégralité, l’ Hymne à la déesse Aphrodite. Voici un passage plus bas.

 

 

 

 

 

Poème de Sappho (Hymne à                        Une traduction en français (livre sur M. Yourcenar):
Aphrodite)
Ποικιλόθρον’ ἀθάνατ’, Ἀφρόδιτα,        Aphrodite aux fleurs variées, tisseuse   
παῖ Дίος δολόπλοκε, λίσσομαί σε,       de roueries, ô fille de Zeus, j'implore, 
μή μ’ ἄσαισι μηδ’  ὀνίαισι δάμνα,      ne dévaste ni de dépits ni d'affres,
πότνια, θῦμον                          Reine, mon âme

Les grands écrivains et philosophes de l’antiquité (mais aussi les contemporains) sont surpris de la grande qualité des poèmes de Sappho.

  • Platon a appelée Sappho la”dixième muse”.
  • Socrate l’a qualifiée de “Belle”.
  • Strabon l’a décrite comme une “merveille”.
  • Solon, à la fin de sa vie, voulait apprendre ses poèmes.
  • Dioscorides la surnomme “Muse d’Eressos éolien”
  • Antipater l’a qualifiée d’ “Ηοmère féminine”

L’homosexualité dans l’antiquité. On pourrait considérer que la sexualité dans la Grèce classique était conçue différemment et qu’elle avait généralement plus à faire avec le rôle relatif d’une personne qu’avec le genre. C’est vrai, même pour les relations intimes entre les hommes. L’attirance entre personnes du même sexe faisait partie de l’éducation (pédérastie chez les hommes) mais elle était beaucoup plus rare chez les femmes. Les appartements de Sappho au 6e siècle av.J.C. était un centre artistique (initiation à la littérature, à la musique et à la danse) auquel participaient des jeunes filles aristocrates avant leurs mariages. Elle y mettait ses poèmes en musique et ils étaient chantés accompagnés de musique. Les relations de Sappho avec ses élèves avaient des dimensions érotiques, c’est pourquoi la poétesse est entrée dans l’histoire comme symbole de « l’amour lesbien » mais personne ne peut prouver que Sappho et son île connaissaient les relations sexuelles entre femmes.

 

 

 

 

 

Sappho est injustement critiquée. Elle a été bien connue tout au long de l’Antiquité mais son orientation sexuelle n’est pas explicitement définie. Dans les “Dialogues des courtisanes” de Lucien de Samosate, Sappho n’est pas explicitement nommée. En d’autres termes, Sappho n’a pas été explicitement identifiée comme homosexuelle dans les temps anciens mais c’est son cercle qui a poussé à la notion de “lesbienisme”. Sappho a bien sûr survécu à travers l’antiquité mais les comiques grecs antiques du pays dominé par les hommes et puis, les Chrétiens d’Occident (le pouvoir spirituel du pape) l’ont transformée péjorativement en homosexuelle… « lesbienne » alors que les poèmes de Sappho ne présentaient pas de contenu clairement vicieux. Beaucoup de ses oeuvres ont été détruites (90 % de ses oeuvres) alors qu’on parle ici d’une œuvre poétique d’une élégance exquise, d’une intensité émouvante, d’une découverte de soi-même inédite et d’une grande musicalité.

Les anciennes perceptions athéniennes de Lesbos comme étant une île pleine de femmes belles mais de mœurs légères ont également contribué à l’étymologie du mot « lesbienne ». Ces attitudes étaient ancrées comme des stéréotypes dans les pièces de théâtre et les œuvres écrites d’individus comme le satiriste Lucien de Samostate. Une collocation complexe et séculaire de conceptions culturelles sur la culture de Lesbos, combinée à la pratique comique athénienne, à la représentation de la courtisane et à la réception de Sappho, a finalement ouvert la voie à la forte association de Lesbos avec une image de sexualité féminine alternative. Il est dommage que, jusqu’à aujourd’hui,  les spéculations envers sa personne aillent au-delà de son travail artistique intense et inoubliable. 

Voilà ce que je peux vous dire sur le terme “Lesbienne” en relation avec Lesbos. Auriez-vous quelque chose à ajouter ?

 

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